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Chronologie d’une communication de crise: Nestlé versus Greenpeace

Les sympathisants de Greenpeace utilisent Facebook pour exprimer leur opposition

Le 16 mars 2010, Greenpeace met en cause Nestlé en publiant en ligne un document de 9 pages qui dénonce les effets dévastateurs des plantations de palmiers à huile sur les forêts pluviales en Indonésie.

 

Dans la journée du 17 mars, Nestlé publie un communiqué de presse indiquant que la société ne travaille plus avec le fournisseur d’huile de palme mis en cause par Greenpeace.

 

« March 17 (Bloomberg) — Nestle SA said it dropped Sinar Mas Group as a supplier of palm oil, after Greenpeace called on the world’s largest foodmaker to cut ties with the Indonesian company. »

 

Dans le même temps, Greenpeace UK accentue la pression en publiant sur Facebook une série de photos « Give the orang-utan a break » ainsi que des videos sur Youtube et Vimeo.com (http://vimeo.com/10236827).

 

Logo, slogan, saynètes des spots télé … tous les codes publicitaires de la célèbre barre chocolatée KitKat sont détournés.

 

« Thanks Nestle – I would’ve never seen this video if u hadn’t it kicked off YouTube”

 

Toujours le 17 mars, Nestlé publie sur le mur de sa page Facebook un message indiquant les précautions de la firme de Vevey quant à la l’utilisation d’huile de palme certifiée «durable».

 

Le 17 mars 2010, Nestlé répond sur le mur de sa page Facebook

 

 

Les sympathisants de Greenpeace sont de plus en plus nombreux à utiliser la page de Nestlé sur Facebook comme plateforme de leur mécontentement. Ils se distinguent en ajoutant à leurs messages un logo détourné de la marque, un des éléments du « kit de campagne » fourni par Greenpeace.

 

Le 19 mars, Nestlé tente de contenir, en les supprimant, les messages qui incluent le logo détourné de la marque. Cette action engendre un flot de commentaires négatifs.

 

Le 19 mars, Nestlé tente de contenir les messages hostiles

 

En réponse, un représentant de Nestlé publie des messages ironiques sans parvenir à ouvrir un dialogue constructif avec les internautes.

 

  • « Oh please…it’s like we’re censoring everything to allow only positive comments.« 
  • « Thanks for the lesson in manners. Consider yourself embraced. But it’s our page, we set the rules, it was ever thus.« 

 

Ce à quoi les internautes répondent du tac-au-tac.

 

Les internautes répondent du tac-au-tac sur Facebook

 

 

Après quelques heures d’échanges négatifs, la firme de Vevey fait son mea culpa.

 

La firme de Vevey choisit de faire son mea culpa sur Facebook

 

 

En parallèle, Greenpeace UK fait monter «la mayonnaise» et publie sur Tweeter des messages incitant les internautes à exprimer leur opinion sur la page Facebook de Nestlé.

 

Greenpeace UK fait monter la pression sur Twitter

 

 

Le 20 mars, l’histoire « Nestlé-Greenpeace-Facebook » se répand sur Twitter, mais sans dépasser la communauté des experts en médias sociaux. Du côté des medias de masse, l’information n’a été relayée que pendant la journée du 19 mars.

Que nous ont appris ces journées de communication de crise ?

Il est toujours plus aisé de faire la leçon à posteriori que d’agir et d’anticiper.

 

Cependant, ces journées d’actions militantes envers une firme multinationale dont la réputation est solidement établie, nous montrent à quel point les marques sont désormais exposées à des actions collectives plus ou moins concertées ou spontanées.

 

Car si Greenpeace a agi comme un catalyseur et tacticien, c’est finalement une communauté d’internautes, et non l’organisation elle-même, qui ont donné de l’envergure à cette opération.Du côté de Nestlé, on sent bien que l’on était pas ou peu préparé.

 

La marque n’est plus un sanctuaire dont le contenu et les éléments différenciants (logotype, slogan …) sont la propriété exclusive d’une «société anonyme».

 

Bien entendu, les marques restent protégées par le droit international, mais elles sont, et ont toujours été, une construction sociale. Elles font partie de notre mémoire collective, voire de notre patrimoine culturel, au même titre que certaines chansons ou comptines.

 

Sur ce point, les médias sociaux n’apportent rien de fondamentalement nouveau. Simplement, ils donnent la possibilité à tout un chacun de prendre la parole, de diffuser cette parole dans le monde entier (et non plus exclusivement auprès de ses proches), de «remixer» avec un simple PC connecté logos, slogans, spots de pub, etc.Self-media, remix, « My time » versus « Prime time » sont les mots-clés de l’environnement médiatique des marques aujourd’hui.

 

Le pouvoir médiatique est plus diffus. Une partie de ce pouvoir est entre les mains de communautés d’internautes capables d’agir collectivement et d’organisations capables de les mobiliser. La page Facebook en est un bel exemple: formidable outil de mise en relation d’une marque avec les consommateurs, elle peut être la cible d’une opération commando de «brand-jacking», comme cela a été le cas pour Nestlé.

 

Et si la censure est toujours possible, ses effets sont souvent pires que les causes, la polémique se déplaçant en quasi temps réel vers d’autres lieux d’échanges virtuels.

 

Notons au passage la position ambivalente des réseaux sociaux: si leurs revenus dépendent presque exclusivement de la publicité, ils n’ont pas intérêt, sauf dans les cas limites, à exercer une censure trop tâtillone.

 

Cela risquerait de les couper de leur base d’internautes, de fragiliser leur audience, donc leurs revenus publicitaires … A notre connaissance, aucun site d’avis de consommateurs ne s’est développé en publiant exclusivement des avis positifs ou neutres.

Recommandations pour faire face à des communications hostiles.

Ne vous laissez pas happer par le temps réel, préparez-vous (clic +/-)

Nombreuses sont les directions marketing ou de la communication qui considèrent encore les medias sociaux comme un «bac à sable expérimental» pour lequel il ne convient pas d’investir plus que quelques heures d’un stagiaire.

 

Aujourd’hui, Facebook à lui seul draine 400 millions d’utilisateurs dans le monde. Selon les pays, ses utilisateurs lui consacrent entre 5 et 7 heures par mois en moyenne.

 

A la différence d’une campagne d’emails ou de publicité, l’animation et le suivi d’une page Facebook est un projet continu. En cas de crise, il faut être capable d’agir en quasi temps réel, parfois 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 si l’audience est internationale.

 

Par ailleurs, répondre à une crise en temps réel demande d’avoir formalisé au préalable une charte de communication ou guideline dédié à ce type de média. Evitez de déléguer cette tâche auprès d’un chargé de relations presse comme une «tâche en plus à faire quand on a un peu de temps à perdre».

 

Les medias sociaux ont tendance à décloisonner les fonctions traditionnelles de communication corporate, communication marketing et gestion de la relation client. Or, le community manager chargé de l’animation des medias sociaux devra avoir la possibilité de solliciter différents responsables fonctionnels au sein de l’entreprise.

Formez en interne un community manager

Un des lieux communs au sujet des medias sociaux est que cela concerne avant tout la Génération Y et que le community manager est forcément un junior qui fait partie de cette génération.

 

Or, si la génération Y a fait décoller les Facebook et autres succès du 2.0, aujourd’hui le site recrute dans toutes les classes d’âge, particulièrement parmi les femmes de plus de 40 ans.

 

De plus, communiquer au nom d’une marque ou d’une entreprise auprès de milliers d’internautes parfois hostiles, exige une grande maîtrise de la communication sur internet et une excellente connaissance des spécificités de votre marque et de votre secteur d’activité.

Anticipez, n’attendez pas l’arrivée d’une crise pour réagir

Très souvent, les marques et entreprises préfèrent attendre l’arrivée d’une crise pour réagir face aux medias sociaux. C’est très souvent trop tard et les réactions épidermiques de type juridique, mêmes si elles sont justifiées, ont pour effet d’aggraver la situation.

 

Les réseaux sociaux sont un corps social en constante évolution, la connaissance actualisée des lieux d’expression favorables, hostiles ou neutres à votre marque est un préalable à toute action efficace et durable.

 

Le buzz monitoring, tel que nous le pratiquons chez digital BRAND, nous permet d’identifier chaque jour de nouvelles opportunités de communication et de renforcement des relations avec une communauté de clients, prospects, sympathisants ou détracteurs.

 

Elaborez un plan de crise à géométrie variable. Soyez préparé à donner une réponse personnalisée à un client mécontent comme à diffuser un flot de commentaires et messages ciblés dans l’espace de quelques heures.

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